To Tell You the Truth

To tell you the truth, I’m here because of an Algerian man I met, who claimed he could see what people should do, and that being who I am, I needed to write how I could sleep at night and that this would take about 10 000 words.

Finalement, je vais devoir vous raconter l’histoire en français. Parce qu’après avoir rencontré cet Algérien, les mots se sont mis à couler dans ma tête. En français. Des mots et des mots et des mots qui coulaient, qui racontaient, qui expliquaient tout à cet inconnu, cet Algérien, cet emmerdeur. Cet homme qui m’avait taquiné au sujet de mes origines mais avec qui j’avais si bien ri.

Actually, I’m gonna have to tell you the story in French. Because, after meeting this Algerian man, the words just started flowing in my head. En français. Words and words flowing, telling, explaining everything to this stranger, this Algerian, this trouble maker. Who’d teased me about my background but who I’d laughed so much with.

Je lui avais expliqué que j’étais moitié suisse, et moitié française, mais finalement plutôt anglophone ayant grandi dans l’ouest du Canada. Que j’avais été élevée catholique mais que j’étais un peu juive aussi, du fait que ma grand-mère avait épousé un tunisien, un juif sépharade, à l’époque où la Tunisie était encore sous le mandat français.

I’d explained to him that I was half Swiss and half French but also pretty Anglophone, having grown up in Western Canada. That I’d been raised Catholic but that I was also a little bit Jewish as well, due to the fact that my grandmother had married a Tunisian, a Sephardic Jew, during the period that Tunisia was under the French.

– Et tu réussi à dormir la nuit ? me demanda-t-il.
– Oui, très bien.
– Eh, bien, il faut que t’écrives comment tu fais. Une vingtaine de pages, peut-être, que ca va te prendre.
– Ah, oui ? Ah, ben. Oui. Peut-être. Merci. Je me demandais justement ce que je devais faire maintenant. Eh dis donc, tu ne saurais pas aussi, par hasard, comment il va s’appeler ce texte?
– Tu pourrais l’appeler « Qui est elle ? »
– Ah bon. Peut-être.

“And you sleep well at night?” he asked me.
“Yeah sure, quite well.”
Well you should write about how exactly you manage that. About twenty pages, I’d say, it’ll take you, probably.”
“Oh, yeah? Mmmmmm. Yes. Maybe. I was just asking myself what I should be working on now. Hey, you wouldn’t happen to know, by chance, what it’ll be called?”
“You could call it: Who is She?
Hmmmm. Maybe.

Je n’aimais pas trop son titre mais l’idée était bonne. Et comme je disais tantôt, une fois partie, les mots se sont mis à couler, mais à couler dans ma tête, pendant que, dans la voiture, le gentil vieux couple d’anglos juifs et le jeune Syrien, discuter des films de la soirée.

I didn’t much care for his title but the idea was good. And as I was saying earlier, once I left, the words began to flow, to seriously flow in my head, while in the car, as the nice old Anglo Jewish couple and the young Syrian guy discussed that night’s films.

[ ENGLISH TRANSLATION STOPS HERE  … ]

Et bien, ça fait environ deux mois depuis cette rencontre, et je viens de le revoir. Il était là aujourd’hui, quand j’ai assisté à une discussion autour de la Tou Bi Chevate, le nouvel ans juif des arbres. On s’est fait signe, il m’a taquiné avec de nouvelles blagues, j’ai pris son courriel et promis de le contacter pour aller prendre un café.

Tout le monde s’est assis, en cercle, pour manger des fruits d’ arbres – des olives, des dates, des amandes — et pour écouter le son des arbres qu’ils sont en train de détruire en Palestine pour faire de la place aux nouvelles constructions israéliennes. Et les participants, majoritairement des juifs montréalais, se sont exprimaient sur toutes les dimensions de ce paradoxe terrible.

Moi, j’ai écouté.

J’ai écouté en tant que personne intéressée par le dialogue, en tant que personne qui est restée longtemps bien loin de ce débat, en tant que personne qui essaie, pour la première fois, de comprendre ce que ça peut bien vouloir dire d’être juif. D’être n’importe quoi, dans le fond.

Mon père et mon frère, sont tous les deux passionnés de la généalogie. Et dernièrement, mon frère a trouvé un logiciel qui t’aide à remonter jusqu’à tes plus anciennes sources. Il nous a annoncé, avec triomphe, qu’il avait trouvé qu’on était descendant de Jeanne d’Arc.

J’ai trouvé ça peu probable, mais j’ai rit. Mon frère a toujours eu des idées un peu grandioses. Mais quand il a mentionné qu’il avait aussi trouvé des liens généalogiques avec Sarkozy, j’ai rouspété.

– Ah, mais non. Là, tu exagère! Ce n’est pas possible qu’on soit de la même famille que ce con! Et de toute façon, ça ne se peut pas, il est d’origine hongroise !

D’origine. Pourquoi attache t’on tellement d’importance à cet idée? Pour moi, c’est tellement clair que ces choses sont un peu floues. Même avec l’aide des tests ADN, personne ne peut être tout à fait sur de la vérité de ce qui se trouve dans son sang. Mais, on dirait qu’il reste des gens qui ont besoin de savoir dans quelle boite te ranger.

Ce fut le cas, il y a quelques années à Barcelone, quand je cherchait à renouveler mon passeport français. Malgré le fait que j’avais un passeport français périmé, on me demanda de nouvelles preuves, puisque ma mère était née en Tunisie, et non en France. Je suis allé sur le site Internet recommandé et je suis revenu, quelques semaines plus tard avec un nouveau document. Mais il s’est trouvé qu’on m’avait envoyé, par hasard, l’acte de décès, et non de naissance, de ma grand-mère française. Ca ne me servait à rien. Il fallait que je recommence. Quelques semaines plus tard encore, je suis revenue avec des nouveaux papiers.

Et là, un nouveau problème. Finalement, ma grand-mère française n’était pas née en France non plus, mais à Genève. La madame se mit à me dire qu’il faudrait alors que je lui amène l’acte de naissance de mon arrière-grand-mère.
Là, j’en avais raz le bol et je me suis exprimée.

– Madame, ca suffit ! Je suis française, je suis française! Comment j’aurais fais, sinon, d’avoir ce vieux passeport français, qui est devant vous?! Ce n’est pas forcement de ma faute si vous aviez colonisé la Tunisie, et si, en conséquence, personne dans ma famille est né dans le bon vieux pays!

Heureusement qu’elle était sympathique, la madame. Elle a peut-être trouvé que je n’avais pas tort. Qui sait ? J’aurais pu me faire mettre dehors. Mais, elle a pris le temps de ré examiner mon fichier.

– Attendez. Laissez-moi revoir vos papiers. Ah, mais … vous êtes d’Edmonton! Oh, quelle coïncidence, j’ai travaillé au consulat français là bas, il y a environ une dizaine d’années. Une petite ville vraiment sympa! J’ai passé un beau séjour la bas. Bon. On va voir ce qu’on peut faire …

Je n’en croyais pas mes oreilles.